Censure et écriture translingue

  • Sara De Balsi Université de Cergy-Pontoise
Parole chiave: translinguisme, francophonie, exil, autotraduction, imaginaire des langues

Abstract

Les écrivains translingues (Ausoni, 2010) sont des écrivains qui ont pratiqué la littérature, exclusivement ou pas, dans une langue seconde. Chez eux la « surconscience linguistique » (Gauvin, 1996), condamnation de tout écrivain – en particulier plurilingue – à penser la langue comme un objet fondamentalement étranger et toujours à (re)conquérir, est probablement la plus aigüe. L’écriture qui en résulte est une pratique du doute et de l’inconfort. Cette conscience particulière de la langue, ainsi que la pluralité des langues et des espaces littéraires (au moins deux) dans lesquels ils agissent, complexifie le rapport entre les écrivains translingues et les instances de censure et d’auto-censure.

Si d’un point de vue politique écrire en langue seconde et en pays étranger est la condition pour la libération d’une voix qui avait été censurée dans le pays d’origine, à l’intérieur de la langue « adoptive », la relation entre ce qui « peut » et « ne peut pas » être dit et la confrontation avec la langue maternelle et d’autres langues se joue en termes d’imaginaire. La langue seconde est donc tantôt la langue dans laquelle on peut dire ce qui était interdit dans (par) la langue maternelle, tantôt, à l’inverse, le lieu du triomphe du mensonge ; elle est tantôt vécue comme une libération des mots, tantôt comme une contrainte ultérieure et définitive.

L’analyse d’un corpus d’écrits autobiographiques translingues contemporains (Jorge Semprun, Nancy Huston et Agota Kristof, qui ont choisi d’écrire en langue française) nous permettra de présenter de différents modèles de rapport entre la censure et l’imaginaire des langues, à savoir la représentation subjective, émotive des langues que l’on retrace dans leurs œuvres.

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Biografia autore

Sara De Balsi, Université de Cergy-Pontoise

Après des études de Lettres classiques à l’université de Naples Federico II et un master en Littérature générale et comparée à l’université de Paris 3, Sara De Balsi est actuellement doctorante à l’Université de Cergy-Pontoise, où elle prépare une thèse sur l’œuvre de l’écrivaine hongroise d’expression française Agota Kristof.

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Pubblicato
2015-05-30
Come citare
De Balsi, S. (2015). Censure et écriture translingue. Between, 5(9). https://doi.org/10.13125/2039-6597/1393